La quête des portes

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Tome 2 de la Trilogie Aurore Boréal – sortie en septembre 2006

Après avoir fondé un laboratoire destiné à fabriquer des produits luttant contre le vieillissement de l’organisme, Isabel Kruger fait de sa société une multinationale qui consacre une part importante de son budget à la recherche.

A partir d’une intuition géniale, elle va faire une découverte majeure concernant les mécanismes du vieillissement.

Mais en la dévoilant, Isabel redoute que l’accroissement général de la durée de vie ne surpeuple la Terre de façon dramatique.

Elle va alors échafauder un projet insensé : trouver une planète ayant des caractéristiques voisines de celle de la Terre et y installer une première colonie terrestre.

En 2018, sa démarche semble utopique.

C’est son gendre qui lui fournira un embryon de piste.

Ce physicien de haut niveau qui travaille au CNRS s’est marié avec sa fille Rachel deux ans auparavant.

Au cours d’une des nombreuses expériences qu’il mène sur la matière, Bertrand Ruphy a eu la surprise de constater qu’un des atomes la constituant avait disparu vers un « ailleurs » qui n’avait pas de nom.

C’est une énigme qui lui laisse entrevoir la possibilité de voyager « autrement » dans l’immensité du cosmos.

Isabel et Bertrand vont constituer une équipe formée de douze personnalités attachantes. Compétentes dans des domaines aussi variés que la physique, l’égyptologie, la religion, l’histoire des mythologies ou l’informatique, elles vont aider Isabel et Bertrand a initier l’ouverture des « Portes » : celles qui donnent accès à d’autres régions de l’univers.

Parmi tous les personnages qui donnent vie à ce roman, Greg Matthious est l’un des plus étonnants. Son enfance et son adolescence ont été marquées par la naissance d’une amitié puis d’un amour très fort pour la belle Marion. Doté d’un physique ingrat, il saura néanmoins la conquérir. Marion sera sa raison de vivre jusqu’au jour où un banal accident de la circulation le privera de sa présence.

Après cette tragédie, ce physicien de renommée mondiale deviendra inconsolable. Désespéré, il abandonnera toutes ses responsabilités pour se laisser vieillir auprès de sa chienne adorée.

Sans lui et sans ses multiples relations, Bertrand sait qu’il n’arrivera à rien.

Grâce à une expérience spectaculaire, Bertrand le persuadera qu’en partant à la recherche de son atome perdu, il pourrait retrouver sa femme et la ramener à la vie.

Cette histoire d’amour qui se situe aux limites de la science nous permettra de connaître tout ce que les religions ont écrit sur la vie, la mort, la résurrection, l’Autre Monde et l’Au-delà.

Alex, quant à lui, souffre depuis son enfance de ne pas connaître ses origines. Recruté pour ses compétences informatiques, il sera le héros du dernier roman de la trilogie

Les autres participants sauront aussi nous montrer qu’ils sont de merveilleux échantillons d’humanité. C’est grâce à leur dévouement et à leur complicité que l’impossible se réalisera.

Si l’on devine dès le début du roman qu’ils vont parvenir à leur fin, Tout l’intérêt de ce livre est de maintenir le suspense sur la manière dont ils vont y arriver.

Ce sera un parcours du combattant où les périodes d’euphorie seront suivies d’échecs cuisants. Et il leur faudra beaucoup de courage et de persévérance pour ne pas abandonner quand le doute s’installera.

C’est une aventure passionnante au dénouement surprenant !

Soirée du 1er novembre 2028, quelque part en banlieue Parisienne.

Après avoir franchi le sas en cristal qui les isolait de l’extérieur, ils avaient pénétré dans le saint des saints : un espace dont les caractéristiques avaient nécessité des années de recherches et de réflexions.
Le groupe qui comptait douze personnes s’était dirigé en silence vers le centre de la salle.
Arrivé au pied de l’édifice qu’ils avaient imaginé, leur guide s’était immobilisé avant de se retourner.
Les bras en croix comme pour mieux les étreindre, il les invita à se disposer en arc de cercle pour entendre son message.
D’une voix dont la fermeté cachait mal le trouble qui l’habitait, il leur déclara :
– Mes amis : pendant ces longues années, vous m’avez accordé votre confiance. Nous avons cheminé ensemble sur le sentier de la connaissance, les périodes d’espoir succédant aux périodes de doute. A maintes reprises, nous avons été sur le point d’abandonner avant qu’une lueur d’espoir ne vienne nous redonner la force de persévérer.
L’humanité est sortie par étapes de l’animalité. Dès l’âge de pierre, l’homme a cherché à maîtriser les éléments pour mieux dompter son environnement. A la conquête du feu se sont ajoutés l’élaboration de dialectes, l’usage du dessin et de l’écriture puis la découverte de la roue.
A partir du continent africain, considéré comme le berceau de l’humanité, l’homme a essaimé sur la plupart des terres émergées, y développant des croyances puis des civilisations plus ou moins évoluées dont le point commun était la recherche d’une explication sur le monde qui les entourait.
Si l’homme a parcouru la terre ferme depuis l’aube des temps, il a fallu attendre l’Antiquité pour qu’il s’offre de nouvelles perspectives en sillonnant les mers.
En 1492, Christophe Colomb découvrait ou redécouvrait l’Amérique, cherchant de nouvelles richesses et de nouvelles peuplades à évangéliser mais ce n’est qu’en 1911 qu’Amundsen atteignit les derniers espaces vierges et inhospitaliers du pôle Sud.
Après avoir fait le tour de sa planète, du nord au sud et d’est en ouest, l’homme a levé les yeux vers le ciel, en quête de nouveaux horizons.
Le 4 octobre 1957, Spoutnik, le premier satellite artificiel, était placé en orbite autour de la Terre.
Le 12 avril 1961, soit seulement quatre ans plus tard, Iouri Alekseïevitch Gagarine était le premier cosmonaute à regarder la Terre à travers le hublot d’une minuscule capsule placée en orbite.
Le 21 juillet 1969, après huit années d’une course technologique effrénée, Neil Armstrong foulait le sol de la Lune au terme d’un voyage de 384.000 km parcourus au sein du vide intersidéral. Il prononça la fameuse phrase « c’est un petit pas pour l’homme et un grand pas pour l’humanité », planta un petit drapeau et abandonna, sur ce caillou criblé de cratères, une stèle sur laquelle était gravé un message de paix à l’intention de futurs explorateurs venus d’autres mondes… puis il s’en revint sur sa planète natale, conscient du minuscule grain de matière sur lequel il vivait.
Insatiable, l’homme ne rêvait plus désormais que de nouvelles conquêtes cosmiques ; toujours plus et toujours plus loin semblait être sa devise. Il scruta les cieux, envoya des sondes aux confins de notre système solaire, déploya de gigantesques oreilles autour de la Terre pour écouter le bruissement des galaxies, sollicitant des réponses aux multiples questions qui le hantent depuis qu’il a pris conscience de l’immensité qui l’entoure :

La vie existe-t-elle ailleurs ?
Sommes-nous les seuls êtres pensants de la création ?

En attendant de savoir si nous avions des frères et sœurs, perdus quelque part dans l’Univers, nous avons recherché nos origines, essayant de résoudre une autre énigme :
Le monde qui nous entoure est-il le fruit du hasard ou l’œuvre d’un être divin ?
Comme des orphelins voulant dénicher leur concepteur, nous avons pris notre bâton de pèlerin pour partir sur les routes du cosmos dans l’espoir d’y rencontrer notre Père Eternel, de lui demander le sens de la vie et de comprendre pourquoi il semble nous avoir abandonnés à notre triste sort.
Quel péché diabolique nos ancêtres ont-ils commis pour que nous méritions de telles épreuves ?
Pandore, la première femme de l’humanité, celle qui aurait ouvert la boîte où Zeus avait enfermé les misères humaines, ne nous laissant que l’espérance, était-elle vraiment à l’origine de tous nos maux ?
Comment pouvions-nous trouver le chemin de la rédemption et nous faire pardonner ?

A force de regarder aussi loin, la plupart des hommes devinrent presbytes, aveugles à l’état de délabrement dans lequel ils plongeaient leur planète natale. S’ils proclamaient que tous les hommes naissent égaux, ils ne voulaient pas voir que l’argent et le profit avaient tout corrompu, laissant des milliards d’individus vivre moins bien que des animaux, abandonnés au froid, à la maladie et à la famine pendant que les nantis des pays industrialisés succombaient aux attaques du cholestérol et des radicaux libres.
Des doctrines politiques se sont succédé à travers les temps pour tenter d’apporter une solution aux échecs antérieurs mais toutes ont fini par se rejoindre dans une exploitation de l’homme par l’homme.
Pour lutter contre l’incurie des principaux responsables de la planète, leur cupidité et leur soif de pouvoir, les siècles passés ont vu défiler une multitude d’anonymes, empreints du désir de remettre l’humanité dans le droit chemin et de lui éviter les flammes de l’Enfer, un feu qui brûle sans consumer, excluant à jamais la régénération. L’Eglise a reconnu les mérites des meilleurs d’entre eux, les élevant au rang de Saints et de Bienheureux, élus d’entre les élus qui auront la félicité de pouvoir contempler Dieu.
Il y a 2000 ans, constatant que cela ne suffisait pas, Il nous a envoyé son propre fils et l’a sacrifié pour qu’en prenant sur lui nos péchés, nous soyons sauvés. Malgré cet immense geste d’Amour, nous sommes restés sourds à cet appel. Nous avons continué à n’en faire qu’à notre tête, ignorant les préceptes et les enseignements qu’Il avait voulu nous transmettre.
A chaque époque, le flambeau a été repris par des hommes ou des femmes de bonne volonté. Aujourd’hui, je crois pouvoir dire qu’Isabel Kruger est notre chef de file, celle qui a réussi à fédérer les énergies et à mettre au service de la planète les meilleurs d’entre nous. A partir d’une idée géniale qu’elle a su ne pas dévoyer, elle a œuvré méthodiquement pour améliorer réellement le sort de ses semblables.
Il y a dix ans, par l’entremise de sa fille , le destin m’a fait croiser son chemin. Avec Gonzague, ils m’ont accordé la main de Rachel, ont sauvé mon père d’une fin tragique, m’ont témoigné leur confiance en me faisant entrer dans le cercle très restreint de ceux qui savent que la vie peut être prolongée et magnifiée par une jeunesse durable. Elle m’a fait l’honneur de solliciter ma collaboration pour trouver une solution aux blocages qui entravaient le bon déroulement de son incroyable projet : construire une société idéale sur une autre planète ressemblant à la Terre. Malgré la folie de ses souhaits, je n’ai pas hésité un instant, comme mû par un souffle intérieur qui me chuchotait la direction à emprunter.
Sous ma houlette, de nombreux scientifiques ont apporté leur contribution pour défricher la jungle de l’ignorance et de l’obscurantisme, et percer les mystères de la matière. Des philosophes et des hommes d’Eglise m’ont aidé à m’imprégner des mythes et des symboles qui vivent en nous. Des spécialistes de l’hypnose et de la transe, doués du pouvoir de séparer l’âme du corps, de la faire voguer jusqu’aux rivages du pays des esprits pour y puiser des rêves, m’ont permis de décrypter et d’appréhender une parcelle de la pensée du Créateur.
Je me suis servi de tous ces champs de connaissance pour imaginer comment voyager dans son monde, comment entrer en contact avec des civilisations qui, depuis des temps immémoriaux, poursuivent la même quête de savoir et de perfection, comment les inciter à nous faire confiance et solliciter leur aide pour qu’elles nous guident vers la nouvelle terre promise.
Que tous ceux qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour nous permettre d’être ici réunis soient remerciés.
Rabattant sa cape violette, couleur de la tempérance, symbole de lucidité et d’action réfléchie, d’amour et de sagesse, d’équilibre entre la terre et le ciel, Bertrand rejoignit ses onze pèlerins. Il les convia à emprunter le parcours initiatique qui montait jusqu’à l’esplanade circulaire coiffant son sommet. Tendant ses deux mains, il les invita à former une chaîne de solidarité. Quand le cercle fut fermé, que l’Alpha et l’Oméga se furent rejoints, ils entamèrent une lente circumambulation imitant la ronde des planètes autour du soleil.
Bertrand télécommanda un modeste interrupteur et le doux ronronnement de la machinerie s’atténua avant de s’estomper complètement. Excepté le glissement de leurs pieds dénudés sur la pierre, seul le son primordial « AUM » prononcé du bout de leurs lèvres s’élevait vers le sommet de la coupole qui les surplombait. Les yeux fermés, concentrés sur les idéaux qui les animaient, baignés par un fluide d’amour qui les enveloppait comme la brume du matin, ils appelaient de leurs vœux l’apparition qu’ils souhaitaient tous.
Après quelques minutes de recueillement qui ne représentaient qu’un instant d’éternité, l’air s’électrisa et se vrilla comme si le soleil du Sahara chauffait intensément le centre du cercle. La tête légèrement inclinée en signe de soumission, ils perçurent un courant d’air identique à celui ressenti lors de l’entrebâillement d’une porte et entrevirent le paysage qui se déformait comme dans un mirage.
Un arc-en-ciel semblant venir du néant se déploya sous leurs yeux embués par l’émotion.
Ce 1er novembre 2028, à minuit pile, ils furent douze à voir apparaître celui qu’ils avaient tant espéré.

Greg Matthious évoque Marion, son amour disparu

Au téléphone :
– Greg, je suis de passage à New York et j’ai deux jours devant moi. ça me ferait plaisir de venir parler avec toi du bon temps, celui où nous nous promenions tous les trois dans les prairies avoisinantes.
A l’évocation des jours heureux, la voix de Greg s’affermit.
– C’est une heureuse initiative, je t’attends pour le dîner. Sois à l’heure, les vieux ont leurs habitudes !
Bertrand avait débarqué dans un domaine qui semblait à l’abandon, comme si son propriétaire avait abdiqué devant les assauts de la nature. L’herbe était haute, les feuilles de l’automne naissant commençaient à s’amonceler et un petit vent frisquet annonçait les premiers frimas. Greg avait dû entendre le bruit du V8 car, sitôt la voiture arrivée devant le porche de la maison, la porte d’entrée s’était ouverte, laissant deviner un homme ou plutôt ce qu’il en restait !
Ils s’étreignirent longuement avant de pénétrer dans ce qui avait été un charmant cottage, douillet et chaleureux. A l’intérieur ne régnaient plus que le désordre et la poussière, l’amoncellement des choses et des objets laissés là où on les avait négligemment posés.
Des portraits de Marion étaient accrochés sur tous les murs et des reliques de leur bonheur passé traînaient dans chaque recoin du living. Un silence pesant alourdissait encore la sensation de désolation qui baignait l’endroit.
Une touffe de poils à quatre pattes s’avança en claudiquant, poussant des gémissements plaintifs qui laissaient un doute sur leur signification.
– Vénus, c’est Bertrand qui vient nous voir. Excuse-la ! elle va sur ses douze ans et n’y voit plus très clair.
Vénus devait encore avoir une bonne ouïe car, à l’évocation de son nom, la plainte se mua en jappement étouffé. Bertrand se baissa pour la prendre dans ses bras et celle-ci en profita pour lui lécher copieusement le visage, le humant de ses deux narines ridées.
– Tu vois, elle ne t’a pas oublié. Elle se rappelle combien Marion avait du plaisir à t’accueillir dans cette maison.
– Greg, donne-moi de tes nouvelles.
– Mon jeune ami, depuis que Marion n’est plus là, je tombe de Charybde en Scylla. Toute ma vie, elle a été mon carburant, ma raison de vivre et de lutter. Depuis qu’elle n’est plus à mes côtés, j’ai perdu toute forme de motivation, toute volonté de me battre contre ma vraie nature et contre l’issue fatale de la vie. Pire, je l’appelle de mes vœux, espérant ainsi la rejoindre aux Champs Elysées.
Ouh là là, se dit Bertrand. Je m’étais préparé à beaucoup de difficultés mais pas à un sauvetage en pleine mer démontée sur un sujet qui n’a même plus envie de lutter. ça va être coton !
– Greg ! Rien que pour Marion, tu ne dois pas te laisser aller. Que dirait-elle en te voyant dans cet état ?
– Vois-tu, Bertrand, tu es jeune marié et tu m’as plusieurs fois décrit le bonheur intense qui est ton lot quotidien. Imagine que, d’un coup de crayon, on écrive le mot fin et que l’on referme le livre, comment réagirais-tu ?
– Ce serait terrible, mais j’aimerais avoir un ami qui vienne me parler et me redonner goût à la vie, évoquer avec moi tous les moments merveilleux qui ont jalonné notre vie de couple. J’aurais ainsi l’impression qu’elle est encore à mes côtés. Greg, je ne te demande pas de refaire ta vie, simplement de la continuer et de faire bénéficier l’humanité de tes nombreuses connaissances. Si tu n’es pas encore mort de chagrin, c’est que l’Etre Suprême a encore besoin de toi !
– Mon ami, tes paroles me font un bien fou mais à quoi bon lutter, elle ne reviendra pas.
– Réfléchis, Greg, si tu la sens toujours en toi, c’est qu’elle est encore là, de l’autre côté du miroir, te regardant vivre comme un rat, envahie par le remords de n’être plus à tes côtés. Même ailleurs, elle a besoin d’être fière de toi, de te savoir en bonne santé. Greg, tu dois arrêter de te laisser aller. Bats-toi pour elle.
Greg avait sorti un mouchoir brodé aux initiales de Marion pour essuyer ses yeux rougis.
– Tu sais, Bertrand, toute ma vie, je me suis battu pour elle. A 17 ans j’étais au fond du trou, complètement désespéré et je m’en suis sorti car le désir de la conquérir était chevillé dans mon corps. Là, je n’ai rien à prouver, personne à éblouir. Pour elle, j’ai remué des montagnes, déplacé des continents, repoussé les limites de la science : que veux-tu que je fasse de plus ?

Olga : pour se l’imaginer !

La première fois que je l’ai vue, se remémorait Greg, j’ai cru apercevoir une poire, large et compacte en bas puis s’affinant à partir de la taille. Ses petites jambes, aux mollets de cycliste, se prolongeaient par deux énormes cuisses ; la circonférence imposante de son bassin constituait l’apogée de sa rondeur !
A partir de la taille, tout se rétrécissait jusqu’aux épaules qui faisaient penser à un cintre pour vêtements de poupée. Autant ses fesses étaient rebondies, autant sa poitrine semblait plate, comme deux bouées que le créateur aurait oublié de gonfler. Son cou ressemblait à une tige à l’extrémité de laquelle on aurait placé une tête, réduite par les Indiens Jivaro.
Un brushing sur sa chevelure abondante aurait nui à l’illusion, aussi avait-elle décidé de se raser complètement. Ainsi le fruit était complet !
Pour parfaire cette ressemblance, elle portait avec humour de grosses boucles d’oreilles en forme de feuille. Sur sa poitrine atrophiée, le seul bijou qu’elle s’autorisait était une abeille stylisée qui semblait la butiner.
Igor, son mari, que tout le monde avait fini par appeler William, était tout son contraire.
Deux cordes à piano en guise de jambes et des cuisses de grenouille s’harmonisaient avec un bassin étroit et des fesses d’adolescent. Tout cela supportait à grand peine un ventre de buveur de bière, un cou de taureau et une tête aux joues et bajoues rebondies. Ses sourcils épais surplombaient des yeux globuleux, mais l’apothéose, c’était sa coiffure de porc-épic.
Quand ils dansaient le slow, imbriqués l’un dans l’autre, les concavités de l’un se mêlaient aux convexités de l’autre pour constituer un rectangle parfait. Des collègues les avaient même surnommés «  les poupées Russes » et d’autres, moins bien intentionnés, faisaient courir le bruit qu’ils avaient été de passage à Tchernobyl quand la centrale nucléaire avait explosé !
La première fois que Greg avait été présenté à Olga Vassiliévovitch, leurs regards s’étaient croisés et une même compassion s’était emparée d’eux. Ils avaient connu les mêmes souffrances physiques inavouées et avaient trouvé des chemins différents pour supporter les vicissitudes de la recombinaison génétique.
En la connaissant mieux, on se disait que la poire n’était pas blette et que son petit cerveau fonctionnait à merveille.
Quand ses interlocuteurs lui plaisaient, les propos d’Olga étaient toujours succulents et sucrés, rappelant la saveur du fruit auquel on l’identifiait dès le premier regard.
Quand ce n’était pas le cas, l’acidité de ses réparties étaient légendaires.
Une fois, Olga avait eu le malheur de dire à un de ses collègues : Attention ! Je ne suis pas qu’une bonne poire ; à l’intérieur, il y a des pépins. Elle s’en était mordu les doigts car le lendemain, tout le service s’était donné le mot pour l’apostropher :
– Olga, tu peux venir, j’ai un pépin ! … Olga, le temps est à l’orage, tu n’aurais pas un pépin ?
Quand on n’arrivait pas à trancher un problème, il y avait toujours une bonne âme pour sortir la formule consacrée : Olga, on va couper la poire en deux !
Plus rien ne la faisait ciller. Elle avait cru entendre toutes les balivernes existant sur la poire et ses pépins, des plaisanteries dont le niveau en disait long sur leurs auteurs.

Le physique et la physique avaient scellé la destinée de Greg et d’Olga dans une amitié et un respect mutuel pour les immenses connaissances qu’ils avaient réussi à emmagasiner. Si Greg régnait sur la physique américaine, Olga, originaire des steppes de la Mongolie, lointaine descendante de Gengis Khan, avait la mainmise sur celle de l’ex-empire soviétique. Elle était incollable sur l’électrovalence, l’électromagnétisme et l’électrocinétique. Elle avait participé aux recherches sur le bêtatron, le cryotron et le magnétron. Elle avait aussi dirigé la mise au point des tokamaks, machines à confinement magnétique stationnaire permettant de créer des plasmas à haute énergie et d’étudier la fusion thermonucléaire. La constante de Planck n’avait aucun secret pour elle et elle comptait en œrsteds plus facilement qu’en roubles ou en dollars.
Son passeport russe lui ouvrait les portes des laboratoires installés entre les immenses étendues de la taïga extrême-orientale et l’ex-Allemagne de l’Est, ses traits mongoloïdes, celles qui se situaient jusqu’à la mer de Chine et du Japon. A eux deux, leurs carnets d’adresses comptaient tout ce que la physique mondiale avait de meilleur.

Interrogations de « l’équipe des portes » sur la destination des sondes « Maison »

Les sondes « Maison » étaient à peine parties qu’un nouveau défi devait être relevé : imaginer et comprendre ce qu’il y avait Ailleurs. Ce fut le thème de la réunion que les scientifiques de l’équipe organisèrent pour échanger sur les acquis du passé et le niveau actuel des connaissances sur l’Univers et la matière qui le constitue.
Pour cela, tous les intervenants avaient relu de nombreux ouvrages en tentant d’en extraire la substantifique moelle.
C’est Bertrand qui prit la parole devant Isabel, Gonzague, Rachel, Julien, Chou, Greg et Olga.
– Il me semble nécessaire de vous entretenir, non plus des lois physiques, mais de tout ce qui concerne l’astronomie, l’astrologie et l’astrophysique.
C’est 3000 ans avant J-C, sur les bords de l’Euphrate, que des savants mésopotamiens ont commencé à regarder le ciel. Conscients des besoins de l’agriculture, ils voulaient essayer de définir un calendrier des saisons. A côté de cette astronomie, déjà élaborée pour l’époque, s’est greffée l’astrologie. Celle-ci consistait à lire des présages dans le mouvement des astres, à deviner les moments les plus favorables pour effectuer les actes de la vie quotidienne et ceux qui engageraient l’avenir du pays.
Bertrand poursuivit ses explications :
– L’astrophysique a dû naître au VIe siècle av J-C, quand on a arrêté de décrire les mouvements pour se poser la question fondamentale : de quoi le monde est-il fait ?
Pour les Egyptiens, la Terre était rectangulaire, les Chinois la croyaient carrée et les Grecs l’imaginaient ronde. Mais, curieusement, ils pensaient tous qu’elle était plate et reposait sur de solides piliers, entourée d’un océan sans source ni fin qui lui tournait autour. Au-dessus, s’étendait la voûte solide du ciel et en-dessous, les Enfers, séjours des morts.
En 530 av J-C, Thalès a répondu à la question en affirmant : le monde est fait d’eau. En s’évaporant, elle donne l’air ; en se déposant, elle fournit la terre. Il imagina le monde comme une bulle d’air à la surface de l’eau !
Pour son élève Anaximandre, qui garde cette théorie mais enlève l’eau, la Terre ne repose plus sur rien : elle est isolée dans l’espace !
Ses contradicteurs lui demandent alors pourquoi elle ne tombe pas ?
Question logique à laquelle il répond sans difficulté aucune !
Elle ne tombe pas car elle n’a rien sur quoi tomber !
– J’aurais aimé connaître ce bonhomme, leur dit Greg. Une discussion avec lui ne devait pas être triste !
– C’était un grand rêveur, poursuivit Bertrand. Je vais te donner un autre exemple de son imagination féconde car sa théorie est à l’origine d’un mot que nous utilisons couramment. Comme il supputait que la Terre était un cylindre aplati, Anaximandre n’écartait pas l’idée que des hommes puissent vivre sur l’autre face, avec les pieds tournés vers les nôtres, d’où le nom « d’antipodes » qu’il leur donne .
Les astres pouvant tourner autour de ce cylindre, il est le premier à avoir construit un « modèle réduit » de l’Univers.
Comme s’il était sur une estrade, face à ses élèves, Bertrand continua son cours magistral :
– A peine plus tard, Pythagore soutient que la Terre est sphérique en observant que la coque d’un bateau qui s’éloigne vers l’horizon disparaît avant son mât.
Cette observation va bouleverser le concept de la nuit. Auparavant, celle-ci « montait du sol »… un peu comme le brouillard.
Désormais, on comprend que la Terre tourne et que seule est éclairée la partie face au soleil. l’obscurité n’est donc plus considérée comme la mort du soleil avant l’espoir de sa renaissance au petit matin : elle est désormais comprise comme une absence temporaire de lumière !
L’astrophysique a fait faire à la physique un pas de géant, conclut-il temporairement.
– Profitons de cette avancée primordiale pour faire une petite pause et nous rafraîchir, proposa Isabel.
– C’est une bonne idée, chère belle-mère, d’autant plus à propos que nos héros de la connaissance vont être freinés dans leur conquête du savoir pendant près de 1000 ans.

Isabel prend contact avec le père Sylvio

Dès le lundi, Isabel pénétra d’un pas tranquille dans la petite église de Trevolto. La fraîcheur qui régnait à l’intérieur du bâtiment était déjà une source de bienfaits, comparée à la chaleur orageuse qui étouffait la place du village en ce début d’après-midi. Puis c’était le silence qui impressionnait et qui apaisait, sentiment conforté par la lueur des quelques bougies qui éclairaient faiblement la nef.

Isabel se dirigea vers l’antique confessionnal qui occupait le milieu d’une des travées latérales, écarta le rideau qui dissimulait le prie-Dieu sur lequel elle s’agenouilla. La cloison de bois qui séparait le pénitent du prêtre était munie d’une grille. L’abbé Sylvio, alerté par le bruit, ouvrit le petit panneau coulissant qui l’obturait, prêt à entendre les sempiternels péchés véniels qui émaillaient la vie de ses paroissiens. Il posa ses mains jointes sur l’étroite tablette qui occupait le devant du parloir et se concentra pour écouter la confession.

– Père, lui dit Isabel, je suis venue de loin pour écouter vos prêches et ce que j’ai entendu m’a tout de suite bouleversée. Vous racontez le monde comme un aveugle qui ignorerait les réalités trompeuses de l’existence. Vous décrivez sa réalité profonde et secrète comme si le voile de l’illusion était tombé. Ce que j’ai ressenti va au-delà de l’expression du verbe, c’est comme un souffle dont la douceur cacherait l’inébranlable conviction qui semble vous animer de l’intérieur. Père, j’ai une aventure à vous proposer.
Après le modeste repas qu’il venait de partager avec le pharmacien du village, le Père Sylvio avait pris l’habitude de confesser dans la relative béatitude d’un corps assoupi par les nourritures terrestres. Les banalités qu’on lui débitait le faisaient rarement sortir de sa torpeur et il avait souvent du mal à ne pas s’endormir. Se redressant brutalement, il écarquilla les yeux pour essayer de discerner le visage de celle qui lui avait fait cette proposition indécente.
Avant qu’il n’eût réussi à trouver les mots et le ton justes pour ramener cette brebis égarée sur le bon chemin, les paroles de cette inconnue lui firent rapidement prendre conscience qu’il avait péché par la pensée, lui prêtant des intentions qu’elle n’avait pas.
– Une aventure pour sortir le monde de sa médiocrité et lui donner de nouveaux horizons, avait poursuivi Isabel. Je ressens le besoin d’avoir le conseil, voire la caution morale d’un simple curé, ce terme n’étant pas péjoratif dans ma bouche. J’ai la conviction que vous pouvez être celui que je recherche.
– Une recherche est toujours longue et éprouvante, semée d’embûches et de désillusions. Ce n’est qu’au terme de sa vie que l’on peut espérer trouver les bonnes réponses.
– Père, ma recherche a sans doute commencé le jour où je suis née, c’était il y a 78 ans, cela vous semble-t-il suffisant ?
– Plus que suffisant pour apporter des réponses très partielles aux mystères qui nous entourent, si vous voulez connaître le fond de ma pensée, lui répondit le Père Sylvio qui commençait à être sérieusement intrigué par cette visite et cet échange de propos religieux et philosophiques.
– Père, je vais vous raconter une histoire dont la fin n’est pas encore écrite, si tant est qu’il y en ait jamais une ! Accrochez-vous car votre raison pourrait vaciller.
– Vous me semblez bien présomptueuse mais je vous écoute, dit le Père Sylvio.
– Je suis née dans un pays où régnaient des inégalités de toutes sortes, poursuivit Isabel. Le milieu dans lequel j’ai grandi était très favorisé par rapport à la multitude des déshérités qui m’entouraient. J’en ai très vite conçu une forme de culpabilité qui m’a poussée à chercher un moyen d’améliorer le sort de mes semblables. Le hasard, la chance, l’intuition, il n’y a pas de terme pour qualifier la réalité de mon parcours, m’ont permis de mettre au point un breuvage qui arrête le temps biologique. Je l’ai administré à des personnes pouvant influer favorablement sur les conditions de vie de leurs semblables et je pense avoir obtenu quelques résultats en respectant une charte éthique très stricte. Mon souhait est de faire profiter le maximum de personnes de ces bienfaits. Néanmoins, la planète est petite et d’une dangerosité qui me fait craindre le pire. J’ai donc imaginé de créer des colonies terrestres sur d’autres planètes ressemblant à la Terre et susceptibles d’accueillir la vie. Mon ambition est d’y développer une société basée sur la liberté, l’égalité, la fraternité, le travail et de pouvoir, un jour, faire bénéficier la Terre de notre expérience. Pour cette navigation céleste, j’ai besoin d’un guide car certaines clés nous permettant d’ouvrir le tunnel de liaison avec ces lieux d’accueil nous échappent.
Le Père Sylvio en avait entendu des vertes et des pas mûres mais des histoires à dormir debout de cet acabit, c’était la première fois. Il vérifia le cadran de sa montre pour s’assurer que l’on n’était pas le premier avril. Trop interloqué pour répondre sur-le-champ, il hésitait entre plusieurs attitudes : éclater de rire devant ce qui pouvait n’être qu’un canular, vrombir de colère face à une provocatrice testant son incrédulité ou questionner son interlocutrice pour en savoir plus. C’est cette option qu’il choisit.
– Si j’ai bien compris, vous avez découvert un élixir de jouvence permettant aux humains de ne plus vieillir, de devenir immortels. C’est une grave offense envers Dieu : elle peut vous valoir la damnation éternelle.
– Père, soyons sérieux, je ne leur fais pas boire un liquide divin à base de miel ou d’hydromel, pas plus qu’ils ne mordent dans les pommes subtilisées au jardin des Hespérides ou qu’ils s’empiffrent d’ambroisie. C’est une découverte scientifique qui exige un maximum de précautions et une réflexion intense pour échapper à toutes les formes de critiques et ne pas s’attirer les foudres divines. L’espèce humaine semble avoir été programmée pour vivre cent-vingt ans maximum. Pour l’instant, il n’est pas question de déroger à ce principe, mais simplement d’aider les hommes et les femmes qui peuplent notre planète à ne pas souffrir de leur déchéance physique et leur offrir la possibilité de se rendre utiles plus longtemps.
– Etes-vous vous-même sérieuse quand vous me dites vouloir implanter des colonies humaines à des centaines d’années-lumière de leur planète-mère ? Le fait d’être prêtre ne m’empêche pas de lire les journaux. Actuellement, votre projet est irréalisable, c’est une utopie ! Comment voulez- vous que je prête une oreille attentive à de telles élucubrations ? se récria-t-il en levant les bras au ciel.
– Je suis sérieuse mais je n’ai aucun moyen de vous en apporter la preuve dans cette église.
– Comment voulez-vous alors que je vous croie ?
– Père, croyez-vous en Dieu ?
– Bien sûr, quelle question !
– L’avez-vous vu ?
– Bien sûr que non.
– Père, avez-vous des preuves tangibles de l’existence de Dieu ?
– Des millions, répondit le Père Sylvio.
– Où sont-elles ? demanda Isabel.
– Partout autour de vous, vous avez des preuves de l’existence de Dieu. L’homme, les animaux, la nature, tout ce qui est beau et bon est l’œuvre de Dieu.
– Rien ne prouve que ce soit Dieu qui soit à l’origine de toute chose.
– Qui d’autre aurait pu créer de telles merveilles ? interrogea le Père Sylvio.
– Père, arrêtons cette discussion qui ne mène à rien. Nous croyons, vous et moi, parce que nous avons la foi. Je vous demande de me croire et d’avoir foi en moi et en mon projet. Dieu ne m’a pas encore foudroyée et je compte bien tout faire pour être digne de son amour, répondit Isabel.
– Ma fille, comment pourrais-je vous être utile ? Je n’ai jamais navigué dans l’espace ! répondit-il d’un ton détaché et ironique.
– Père, je me nomme Isabel, lui murmura-t-elle avant de poursuivre : avez-vous oublié que la barque de Pierre est le symbole de votre église ? Que la nef de celle-ci n’est qu’une coque renversée ? Je vous le répète, j’ai besoin d’un guide pour me diriger dans le monde de l’Eternel, un guide spirituel. Une personne que je ne peux encore nommer m’a vanté vos mérites et votre parcours. Elle m’a conseillé de vous parler sans détours en m’affirmant qu’il y avait une petite chance que vous ne me preniez pas pour une folle.
Mon Dieu, se dit le Père Sylvio, et si elle disait vrai ! Les cloches qui s’étaient mises à sonner 15 heures résonnaient dans sa tête, le plongeant dans une méditation douloureuse.
Savoir que quelqu’un avait peut-être entre les mains un moyen de devenir immortel était une information qui risquait de bouleverser tous les prêches du dimanche. Comment maintenir ses ouailles dans le refus du péché si la montée au ciel et l’examen de la vie humaine étaient repoussés aux calendes grecques ? Les églises attiraient surtout des personnes âgées qui, sachant leur fin proche, préféraient se montrer dans la demeure du Seigneur pour faire pénitence et limiter les dégâts. Si plus personne ne vieillissait, il était probable que les églises se videraient et que l’argument d’une vie éternelle auprès de Dieu ne ferait plus recette.
Cette nouvelle extraordinaire ne pouvait laisser indifférentes les autorités ecclésiales . Si le Saint-Siège en était informé, déciderait-il un exorcisme ou prendrait-il des mesures plus radicales pour défendre la foi et maintenir l’espoir d’une résurrection après la mort ? Si cette personne pouvait faire de tels miracles, que resterait-il à Jésus ? Qui ferait le pèlerinage de Lourdes pour se tremper dans la fontaine et guérir de ses maux ?
L’autre projet était encore plus dangereux. Voyager en allant plus vite que la lumière et pouvoir observer le passé, comme l’avait suggéré Isabel, c’était aller à la rencontre de Jésus, scruter l’époque où il avait vécu, se rendre compte que son histoire n’était peut-être pas conforme à la réalité. Tous les fondements de toutes les religions pouvaient être ébranlés, plongeant les Terriens dans un abîme d’interrogations, dans un gouffre de vide spirituel ne pouvant mener qu’au Chaos, au tohu-bohu primitif.

De retour au Caire après un périple en Egypte, Marianne fait le point des connaissances acquises

De retour au Caire, Marianne les initia encore aux rites funéraires et à l’épreuve du jugement. Mouffid, « l’indispensable », leur traduisit des passages du « Livre de la sortie au jour » appelé improprement « Livre des morts », du « Livre des transformations », de celui qui traite de ce qu’il y a dans le Duat, le monde intermédiaire et surtout du « Livre des Portes ».
Mouffid leur confia un exemplaire du « Livre de sagesse » de Kheti. Il aidait les hommes à s’engager sur la voie de l’harmonie, de l’équité et de la morale qui sont les valeurs participant à l’équilibre global du monde. Ce recueil incitait les hommes à « suivre leur cœur », c’est-à-dire à vivre en conformité avec Maât. Par le Bien, la Justice, la Vérité et la Mémoire du Passé, on pouvait accéder à l’éternité.
Au terme d’une longue réflexion menée avec le Père Sylvio, ils notèrent toutes les formules consacrées et tout le rituel à suivre pour obtenir ce qu’ils désiraient.
En une semaine, leur vision de l’avenir s’était élargie et une certitude les avait envahis. Ces visiteurs du passé étaient toujours à l’œuvre. Il fallait trouver un moyen d’entrer en contact avec eux pour solliciter leur aide ! Seul le Père Sylvio manifestait un grand trouble intérieur.
Marianne avait tenu à les emmener dîner au sommet du building le plus haut du Caire. En sortant du minicar et en levant le regard pour admirer cette immense tour de Babel, Greg tressaillit et son cœur fragile s’emballa. L’édifice abritait un hôtel dont les lettres de lumière étincelaient sur le fronton Hôtel Marriott
Bertrand qui avait compris son trouble lui posa le bras sur l’épaule.
– C’est un signe ! Greg. Nous sommes sur le bon chemin et elle te le fait savoir à sa manière.
Arrivé sur l’esplanade qui abritait le restaurant, Greg se dirigea vers la coursive qui permettait d’admirer les reflets du Nil, le Son et lumière que l’on devinait sur les pyramides et l’immensité de la voûte étoilée. Les paroles de Monsieur M’Boko refirent surface : « Pour elle, tu parcourras les mondes et rien de ce qui n’a été ne saurait être » Dans un soupir où la raison se mêlait à l’espoir, il pria Dieu de lui restituer son amour perdu.

Alex et son chat Fidélio piègent « l’invisible »

En regardant défiler les images des caméras vidéo qui balayaient l’ensemble du laboratoire, les traits d’Alex se figèrent. Fidélio, qui se promenait tranquillement quelques instants auparavant, était maintenant réfugié derrière une armoire. Debout sur ses pattes, la queue à la verticale comme pour capter une émission radar, il pointait du regard le centre du local. Sa tête oscillait pour orienter le pavillon de ses oreilles dans la direction qui lui semblait adéquate. Après quelques instants d’immobilité, son dos s’arrondit et son poil se dressa comme s’il avait repéré un chien.
Alex jeta un coup d’œil rapide sur ses écrans de contrôle. Ils lui indiquèrent qu’un certain nombre de paramètres étaient en train de se modifier. La température s’était déjà élevée de deux degrés et l’aiguille de la boussole placée au centre de la pièce ne semblait plus savoir où était le nord magnétique.
– Bon Dieu ! marmonna-t-il en continuant à fixer le centre de la pièce qui paraissait aussi vide qu’auparavant.
Sous son regard ébahi et alors qu’il était totalement impassible, il vit les circuits de son ordinateur se mettre en mouvement. Quelqu’un d’invisible était en train de le manipuler pour activer la sortie du virus dormant de sa cachette. Une disquette invisible venait d’être introduite dans l’ordinateur pour reprogrammer le virus et lui donner de nouveaux objectifs impossibles à transmettre par Internet depuis le blocage du système. Une fois cette première opération réussie, « l’invisible » introduisit une nouvelle disquette destinée à télécharger les données fondamentales recueillies par le virus.
Alex était au summum de sa concentration pour la manœuvre délicate qui allait suivre.
Sitôt cette opération terminée, il bloqua l’éjection de la disquette, le temps d’y adjoindre les informations sélectionnées par Isabel à l’attention des visiteurs. Quinze secondes supplémentaires qui durent susciter une montée d’adrénaline chez le visiteur invisible.
Le pauvre n’était malheureusement pas au bout de ses soucis.
Pris en faute comme un collégien, « l’invisible » récupéra sa disquette et activa en urgence son mécanisme d’exfiltration, espérant repartir comme il était venu.
C’était sans compter avec le dispositif électromagnétique imaginé par Emile et Chou pour bloquer à leur tour l’ouverture des Portes. « L’invisible » était désormais prisonnier, incapable de rentrer chez lui.

Greg fait appel au pouvoir des chamans pour retrouver son épouse défunte

Sur le conseil d’Olga qui était originaire de Mongolie, Greg s’était envolé à bord d’un Tupolev de l’Aéroflot pour rejoindre Kyzyl.
La capitale de la république de Touva, située aux confins de la Sibérie, sortait à peine d’un long hiver. Le thermomètre affichait moins deux degrés et le fleuve commençait à charrier les glaçons de la débâcle. Il avait rejoint Tos Deer, une clinique où officiaient des médecins d’un genre particulier. A la place des traditionnelles blouses blanches, ces guérisseurs portaient de lourds manteaux de toile bardés de longues franges multicolores. A la place du calot, ils avaient des coiffes de plumes. Quant à leur outil de travail, il était composé d’un tambour et d’un bol où l’on faisait brûler de l’artish, le genièvre de la taïga.
Aldin Terjap l’avait reçu comme un ami et l’avait entraîné vers la forêt de bouleaux qui entourait les bâtiments.
– Olga m’a beaucoup parlé de vous et je crois qu’elle a eu raison de vous conseiller ce voyage. Vous a-t-elle expliqué ce qu’était un chaman ? Monsieur Matthious.
– Je crois avoir compris que vous étiez un mélange de sorcier, de médium et de médecin.
– C’est une bonne définition. En règle générale, les personnes qui viennent nous consulter sont là pour nous confier leurs angoisses, pour connaître leur avenir ou pour remonter dans le passé à la recherche de leurs ancêtres. Votre demande est un peu plus ciblée. Si j’ai bien compris, vous voulez entrer en communication avec l’âme de votre femme pour qu’elle vous aide à la ramener dans le monde des vivants.
– Monsieur Terjap, ma femme était tout pour moi et je crois pouvoir dire que j’étais tout pour elle. Laissez-moi vous raconter notre vie et les épreuves que je traverse depuis que je l’ai perdue. Laissez-moi aussi vous expliquer comment j’ai l’intime conviction que je peux inverser le cours du destin. Après, vous me direz si vous pouvez m’aider à réaliser ce miracle.
Aldin Terjap avait écouté Greg avec gravité. Au bout de trois jours, le chaman lui avait avoué :
– Monsieur Matthious, le monde est composé de plusieurs niveaux où les esprits peuvent communiquer entre eux. Si chacun peut sentir leur présence, seul le chaman sait communiquer avec eux. Seul, il sait se rendre dans ces mondes invisibles et en revenir. A plusieurs reprises, j’ai pu retrouver l’âme d’un défunt et l’aider à rejoindre l’Au-delà, mais jamais je n’ai pu la faire revenir dans son enveloppe charnelle. Pendant ces longues journées où nous avons conversé, je vous ai écouté attentivement me décrire la communication que vous aviez établie avec votre femme au travers de vos rêves : une évidence s’est imposée à moi ! Je pense que vous avez des dons qui vous rapprochent des chamans. Dans votre cas, ils ne concernent que votre épouse et ne se font qu’au travers de vos rêves. Je peux vous aider à mieux vous les remémorer et à mieux les comprendre. Cela vous sera d’une grande utilité pour aller la chercher là où elle se trouve.
Quelques jours plus tard, Greg avait acquis de nouvelles compétences et son moral était revenu au beau fixe. Après avoir chaleureusement remercié Aldin pour son enseignement, il était reparti vers sa destinée.

Finalement, rien ne fonctionnait mieux que les rêves qu’il faisait chaque nuit, surtout avec les conseils d’Aldin Terjap.
Greg savait que tous ses efforts n’étaient pas vains : la sensation de proximité qu’il ressentait envers Marion était de plus en plus forte. Chaque matin, avant d’oublier ses songes, il notait sur son journal ce que Marion avait voulu lui transmettre. Le message s’achevait toujours par des mots forts comme : « Je t’aime et je t’attendrai tant que ton amour sera aussi profond ».
Quand le soleil se levait et que la clarté du jour frappait ses paupières encore closes, Greg émergeait d’un monde que seul son esprit pouvait franchir. Il y puisait une force qui le « boostait » pour la journée qui s’annonçait.

Epilogue dans le roman !

Fabienne Amiel est née à Lyon en 1962. Elle étudie le dessin à l’Académie Charpentier avant de s’orienter vers les huiles et les pastels. Exposée dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger, ses personnages mongols aux couleurs chatoyantes donnent un aperçu de son talent.

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